04/05/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

En quête de Krishna

01/01/2007
L’ancien leader de l’ISKCON à Taipei, le Suisse Dasa (à d.), et son successeur, le Belge Dayal Nitai das, dans une rue de Ximenting, à Taipei.

>> A Taiwan sont représentés une multitude de cultes, la plupart tirant leurs origines des grandes religions asiatiques, notamment de l’hindouisme

Ces dernières années, le nombre d’Indiens, de Pakistanais et de Bangladais vivant à Taiwan a augmenté, comme l’attrait des Taiwanais pour la nourriture et les produits de leurs pays d’origine. Il est logique que l’engouement pour les religions venues du sous-continent indien ait également progressé.

Les croyances là-bas sont nombreuses et variées. En plus des hindous, on compte des musulmans, des sikhs, des zoroastriens, des bouddhistes, des chrétiens, des jaïnistes... Re ligion principale, intimement liée au monde et à la culture de l’Inde, l’hindouisme a lui-même donné naissance à une myriade de courants. L’un d’entre eux, l’Association internationale pour la conscience de Krishna (ISKCON), a établi son siège taiwanais dans le quartier de Gongguan, à Taipei. Comme beaucoup d’autres sectes issues de l’hindouisme, l’ISKCON, n’a pas vu le jour en Inde mais à New York, aux Etats-Unis, en 1965, avant d’apparaître dans l’île dans les années 1980. D’une centaine de fidèles à travers l’île en 1997, l’ISKCON a depuis vu ses rangs croître rapidement avec l’arrivée d’un nombre plus grand d’étrangers.

Sheetesh Devnath, originaire du Bangladesh, est l’un d’entre eux. S’il peut regarder ici CNN et la BBC, qui sont pour lui une fenêtre sur le monde, il lui est difficile de trouver des connexions avec son pays natal. Depuis 4 ans qu’il vit ici, Sheetesh Devnath enseigne l’anglais, une langue qu’il parle parfaitement, avec l’accent américain d’ailleurs. Tous les jours, il prend l’autocar depuis Taipei, où il réside, jusqu’au Parc scientifique et technologique de Hsinchu où travaillent la plupart de ses étudiants, des cadres de niveau moyen à supérieur.

Appartenant à la minorité hindouiste du Bangladesh, un pays où l’islam domine, Sheetesh Devnath aime passer ses dimanches après-midi dans un petit appartement de la rue de Tingzhou, à Taipei, en compagnie de Taiwanais, d’Indiens, d’Européens et d’Américains à chanter, taper sur des cymbales et des tambours ou à jouer du piano électrique devant une image de Krishna.

L’appartement en question est le centre névralgique de l’ISKCON à Taiwan. « Les gens que vous voyez prier ne sont pas tous membres de l’ISKCON, explique Dayal Nitai das, de nationalité belge, qui administre le lieu de culte. Nous accueillons tous ceux qui prient Krishna car nous pensons qu’Il n’appartient à personne.»

Charmant berger lors de sa vie sur terre, Krishna est le huitième avatar de Vishnou. C’est un dieu très révéré par les Indiens et il est mentionné dans le Mahâbhârata, le grand poème épique de l’Inde ancienne.

Méditation et végétarisme

Après les prières, Dayal Nitai das allume des bâtons d’encens puis prononce un sermon sur Krishna et la Bhagavad-gîtâ un texte sacré tiré du Mahâbhârata - dans un mélange d’anglais et de chinois.

« Les prières et les rites permettent de glorifier Krishna en paroles et en actions, dit-il. Tout doit servir Krishna parce que c’est à Krishna que tout appartient et c’est Krishna qui règne sur toute chose. Dans le monde matériel, c’est seulement en cherchant des objectifs altruistes et en agissant pour plaire à Krishna que l’on peut échapper au cycle des réincarnations. »

Alors que l’appartement résonnait de chants et de musique il y a quelques instants, c’est soudain le silence ; assis par terre, tout le monde écoute avec concentration.

« Nous sommes une centaine à nous retrouver régulièrement à Taipei ou dans la banlieue de la capitale, estime Lu Yi-hua [呂怡華], la directrice exécutive d’ISKCON Taiwan. Il y a une cinquantaine ou une soixantaine d’autres adeptes dans le centre et le sud de Taiwan. Les adeptes sont environ à 60% des Taiwanais, pour 40% d’Indiens. »

 

Lu Yi-hua, qui a rejoint la secte il y a une vingtaine d’années, note que le petit appartement où ont lieu les réunions à Taipei est beaucoup plus vivant grâce à la communauté indienne qui s’est formée ici ces temps derniers. Ces Indiens ne viennent pas que pour le culte du dimanche après-midi, mais aussi pendant la semaine.

Outre les cours de religion, le centre, qui fait un prosélytisme actif, assure sa promotion en offrant des cours de yoga et de méditation. Et de plus en plus, on peut apercevoir les adeptes, dans leurs robes colorées distinctives, participer aux activités caritatives organisées à travers l’île.

« Pendant les vacances, nous proposons aussi des retraites spirituelles dans les montagnes de Taiwu ou de Laiyi, dans le sud de Taiwan. Là, nous méditons et chantons dans la forêt. Les membres de la région de Kaohsiung et de Pingtung invitent souvent des travailleurs à se joindre à eux pour se détendre un petit peu. Nos retraites ont beaucoup de succès. »

Le culte de Krishna n’a pas de forme fixe, explique une adepte qui habite Tainan et a participé à plusieurs des activités organisées par l’ISKCON. « L’idée principale est qu’il faut libérer son esprit et répandre la bonne volonté autour de soi. La plupart des guides spirituels encouragent à manger moins de viande, à méditer pour cultiver sa spiritualité et à calmer ses émotions. Vraiment, c’est une religion très accessible. »

Religion ou métareligion ?

Il est intéressant de noter que, depuis son ouverture en 1997, le centre de l’ISKCON à Taipei a toujours été géré par des Européens ou des Américains.

« L’ISKCON est certes une branche de l’hindouisme, dit Dayal Nitai das, mais c’est une foi monothéiste, alors que l’hindouisme est polythéiste. »

« En fait, poursuit-il, dans de nombreux pays, l’ISKCON est considéré comme une organisation scientifique qui s’intéresse à la spiritualité ou bien comme un mode de vie. »

Chiu Hei-yuan [翟海源], chercheur à l’Institut de sociologie de l’Academia sinica, voit les choses différemment. « Aux Etats-Unis et ailleurs, les adeptes des nouvelles sectes présentent souvent celles-ci comme des organisations non religieuses, mais si vous y regardez de plus près, vous constaterez la présence de tous les éléments qui signalent une religion : une organisation, des textes sacrés, des rites et un code de conduite particuliers, ainsi que des officiants. »

En 2004, Chiu Hei-yuan a dressé une liste de toutes les religions non chinoises coexistant à Taiwan. En dehors de l’ISKCON et de l’Osho qui a récemment gagné en popularité, il a recensé de nombreux autres systèmes de croyances d’origine indienne. Il y a par exemple l’Organisation internationale Sathya Sai Baba, une secte qui prône une « éducation humaniste » et qui a été populaire pendant un temps dans le quartier de Tianmu, à Taipei. Ou bien l’Ananda Marga Pracaraka Samgha (AMPS), qui est arrivé à Taiwan en 1970 et a depuis établi plusieurs écoles primaires à travers l’île. Le groupe a également acquis des terrains à Yuching, dans le district de Tainan, avec l’intention d’y ouvrir une communauté modèle qui opèrera une ferme organique. Citons aussi la secte Sant Mat, apparue récemment dans l’île et qui tire son essence du sikhisme mais a des points communs avec le très populaire mouvement de Suma Ching Hai. Enfin, la Méditation transcendantale, qui dispose ici de 27 guides et de 50 000 adeptes, est l’un des groupes ayant le plus d’influence.

A la recherche de la paix intérieure

Bien qu’elles aient des noms très différents, ces sectes partagent souvent les mêmes objectifs et organisent des activités similaires. « En général, dit Chiu Hei-yuan, elles préservent la spiritualité de l’hindouisme, ainsi que sa quête de la paix intérieure et d’une vie simple. La plupart prônent la méditation pour atteindre un état de conscience supérieur. L’influence de l’hindouisme est évidente. »

Ces religions se ressemblent aussi dans la façon dont elles sont arrivées sur ces rivages : en passant par l’Europe ou les Etats-Unis. « Les nouvelles religions se sont développées très rapidement en Occident dans les années 60 et 70, sous l’influence des superstars de la culture pop, rappelle le chercheur. A l’époque, il n’y avait pas à l’Ouest de leaders religieux charismatiques. Ces gourous indiens, qui parlaient l’anglais et avaient une aura mystique, firent une forte impres sion sur les Occidentaux. »

« L’hindouisme est la plus ancienne religion active aujourd’hui, rappelle Surojit Chattopadhyay, professeur d’ingénierie électrique à l’université nationale Chung Hsing, à Taichung, qui vient méditer au centre de l’ISKCON le week-end. Mais c’est un terme très général et très flexible. »

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